Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/242

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est alors empoisonnée et on se garde de la boire. Tout danger a disparu à la phase secondaire, celle du Nil rouge, bien qu’il ait alors une apparence des plus étranges et semble rouler du sang. Si on en laisse reposer l’eau dans un verre, on voit une sorte de boue noire se précipiter vers le fond, mais la partie supérieure reste rouge et opaque, et le mélange n’a ni goût, ni propriété désagréable.

Tel est ce mystère du Nil, cet ensemble complexe de conditions physiques si extraordinaires que nous en chercherions vainement d’analogues dans toutes les autres régions de la planète. Ce milieu géographique sans pareil, cette Égypte si souvent comparée à un monde à part, à un microcosme isolé du reste du globe par les déserts, a eu nécessairement des destinées historiques exceptionnelles, et si l’histoire et l’archéologie n’ont pas encore montré scientifiquement le vrai berceau de notre civilisation occidentale dans cette « Terre d’inondation », Pe-to-me-ra, l’étude géographique des lieux me semble prêter une grande vraisemblance à cette hypothèse. À tout le moins, c’est incontestablement dans la vallée du Nil que les liens étroits qui, partout et toujours, rattachent les destinées historiques d’un peuple à son habitat se manifestent sous leur aspect primordial.

Nous venons de voir comment la nature crée le Nil, et comment le Nil crée l’Égypte : examinons maintenant, le plus brièvement possible, comment l’Égypte a créé notre histoire.

Mais, tout d’abord, une question s’impose : ces