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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

particulier de l’Inde brahmanique, sa propension à oublier la réalité pour se perdre dans une pieuse exaltation, à se plonger dans l’ivresse sacrée, aurait peut-être ses sources dans une tendance, une aptitude de race, déjà manifestée au début des temps védiques. L’incontestable liberté religieuse de cette période serait simplement le corollaire du défaut absolu d’organisation sacerdotale ou nationale permanente chez les Aryas des Sept Rivières. Tout le temps qu’ils restèrent cantonnés dans les fertiles et riantes vallées du haut Pandjab, leur vie politique se concentra exclusivement dans la commune autonome, — le viç[1], qui présente une analogie remarquable avec la djemaa des Kabyles, ou mieux encore avec le mir russe, car, au témoignage de savants auteurs, les vaïcyas, c’est-à-dire les communiers du haut Pandjab, procédaient périodiquement au partage des terres entre les ayant droit, comme cela se pratique encore en Russie. À la tête du viç, on voit un viçpati, sorte d’amin ou de staroste, chef électif de la communauté, fonctionnant aussi comme radj. Tous les chefs de famille jouissent des mêmes droits dans l’assemblée communale ; tous remplissent les fonctions de deva ou sacrificateur et poète d’hymnes religieux ; à l’heure du besoin, tous prennent les armes, c’est-à-dire deviennent kchatrya. Par tous ces droits et devoirs, tous les Aryas sont donc nécessairement égaux. Mais pendant un laps de temps

  1. Cette racine s’est conservée dans le slave vés (village) et dans le lithuanien viespati (roi, souverain).