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taires et le mieux partagé des serfs ou des esclaves, une différence capitale et facile à formuler. Le salariat ne constitue pour le patron aucun droit légal sur la personne du dépossédé, du vaincu de la concurrence vitale, et ne lui concède sur le travail de celui-ci que le droit cédé par un semblant d’achat. Mais le seigneur féodal exerçait un droit permanent et gratuit sur le travail du serf ou vilain, et, sur sa personne, un droit de juridiction plus étendu que celui d’un maître sur l’esclave au temps des Antonins[1].

Du reste, l’antiquité classique n’a point connu le mot esclave, et l’institution des servi glebæ (serfs de la glèbe) est de beaucoup antérieures l’âge féodal. Huschke[2] la trouve déjà légalement constituée par la formula censualis d’Auguste ; elle reconnaissait à ces esclaves ruraux certains privilèges étrangers aux esclaves domestiques (tels le droit de mariage et même celui de possession), tout en les astreignant, comme redevance pour la terre par eux cultivée, à un travail déterminé au bénéfice du propriétaire. Par contre, celui-ci avait sur ses colons un droit limité de contrôle et de correction, mais, s’il exigeait plus que la corvée réglementaire, le tribunal devait intervenir. Il serait difficile de préciser quelles étaient, dans l’empire romain, les différences de fait et de droit entre les colons et l’esclave, le serf de la glèbe et le serf domestique : il semble

  1. Voir Duruy, Histoire des Romains, t. V.
  2. Ueber den Census zur Zeit der Geburl Jesu Christi.