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LE BRÉSILIEN.
––––––Je suis Brésilien, j’ai de l’or,
––––––Et j’arrive de Rio-Janeire
––––––Plus riche aujourd’hui que naguère,
––––––Paris, je te reviens encor !
––––––Deux fois je suis venu déjà,
––––––J’avais de l’or dans ma valise,
––––––Des diamants à ma chemise,
––––––Combien a duré tout cela ?
––––––Le temps d’avoir deux cents amis
––––––Et d’aimer quatre ou cinq maîtresses,
––––––Six mois de galantes ivresses,
––––––Et plus rien ! ô Paris ! Paris !
––––––En six mois tu m’as tout raflé,
––––––Et puis, vers ma jeune Amérique,
––––––Tu m’as, pauvre et mélancolique,
––––––Délicatement remballé !
––––––Mais je brûlais de revenir,
––––––Et là-bas, sous mon ciel sauvage,
––––––Je me répétais avec rage :
––––––Une autre fortune ou mourir !
––––––Je ne suis pas mort, j’ai gagné
––––––Tant bien que mal, des sommes folles,
––––––Et je viens pour que tu me voles
––––––Tout ce que là-bas j’ai volé !
––––––Ce que je veux de toi, Paris,
––––––Ce que je veux, ce sont tes femmes,
––––––Ni bourgeoises, ni grandes dames,
––––––Mais les autres… l’on m’a compris !
––––––Celles que l’on voit étalant,
––––––Sur le velours de l’avant-scène,
––––––Avec des allures de reine,
––––––Un gros bouquet de lilas blanc ;
––––––Celles dont l’œil froid et calin
––––––En un instant jauge une salle,
––––––Et va cherchant de stalle en stalle
––––––Un successeur à ce gandin,
––––––Qui plein de chic, mais indigent,
––––––Au fond de la loge se cache,
––––––Et dit, en mordant sa moustache