Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/105

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Chapitre IV.
LES FORMES VERBALES.

72. — Les formes verbales indo-européennes, dont la complexité et la variété étaient grandes, ont été simplifiées au cours du développement ultérieur de chacun des dialectes. Il s’est ainsi constitué des conjugaisons relativement simples qui diffèrent d’une langue à l’autre. Au moment où l’arménien a été fixé par l’écriture, le travail de réfection était accompli, et l’on se trouve en présence d’un système bien équilibré et durable et non pas d’un groupement de formes qui, comme celles de la déclinaison, appelaient de nouvelles innovations et une refonte.

A. FORMATION DES THÈMES.

73. — Les thèmes primaires indo-européens, c’est-à-dire ceux qui se rattachent directement à des racines, étaient indépendants les uns des autres, et leur nombre n’était pas limité ; de la racine *men- « rester » le grec ancien a par exemple un présent μένω (menô), un présent à redoublement μίμνω (mimnô), un futur μενῶ (menô), un aoriste ἔμεινα (emeina), un parfait μεμένηϰα (memenêka) ; cette complexité a été presque partout ramenée à l’opposition de deux thèmes ; c’est ce que présente le grec moderne avec son présent μένω (menô) et son aoriste ἔμεινα (emeina) ; dès les plus anciens textes, le latin n’a plus pour chaque verbe que deux thèmes, auxquels se rattachent tous les autres, celui du présent, ainsi maneō, et celui du parfait, ainsi mansī ; et de même dans les autres langues ; l’arménien n’échappe pas à ce parallélisme, et son verbe est à deux thèmes, l’un de présent : mnam մնամ « je reste », l’autre d’aoriste : mnac̣i մնացի « je suis resté ».

Inversement les verbes dénominatifs indo-européens n’avaient qu’un seul thème, et il n’en pouvait être autrement, puisque chaque thème verbal était indépendant ; le suffixe -ya- de skr. pṛtanâ-yá-ti « il combat », de pṛtanâ « combat », fournissait un thème verbal et