Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110

tombé une voyelle devant -č̣- –չ–, à savoir i, à en juger par le -ea- –եա– de l’aoriste, qui est issu d’un plus ancien *-ia- : t‘ak‘č̣im թաքչէմ, t‘ak‘eay թաքեայ supposant *t‘ak‘i- ; on rapprochera lat. -iscō, gr. -ισϰω (-iskô), types reminiscor, ἁλίσϰομαι (haliskomai).

La nuance de sens, inchoative, de ces présents en -č̣im չիմ concorde avec celle des présents en -num –նում (§ 81, β). De là vient que les mêmes verbes présentent souvent à la fois un présent en -č̣im չիմ et un présent en -num –նում. Les verbes où l’on rencontre cette dualité de présents sont parmi les plus archaïques de l’arménien ; ainsi : tak‘č̣im թաքչիմ | tak‘num թաքնում « je me cache », aor. t‘ak‘eay թաքեայ ; matč̣im մատչիմ | matnum մատնում « je m’approche », aor. mateay մատեայ ; p‘axč̣im փակչիմ | p‘axnum փակում « je prends la fuite », aor. p‘axeay փակեայ ; zart‘č̣im զարթչիմ | zart‘num զարթնում « je m’éveille », aor. zart‘eay զարթեայ ; pakč̣im պակչիմ | paknum պակնում « je me glace de crainte », aor. pakeay պակեայ.

c) Type en -a- –ա–

80. — Les présents en -a- –ա– indiquent pour la plupart un état ou l’entrée dans un état, valeur qui rappelle celle des verbes latins comme cubāre « être couché », micāre « être brillant », et des fréquentatifs lituaniens tels que rymóti « être appuyé, reposer sur », en regard de remti « appuyer ».

α) Présent sans nasale.

Tous les présents de cette série ont sans doute leur -a- –ա– issu d’une contraction de *-ā-ye- ; ceux qui ne sont pas dénominatifs doivent en effet être formés comme lit. žió-ju « je suis béant » et lat. hiō (type *hià-(y)e-) ; en fait orcam ործամ « je rote, je vomis » répond à v. sl. rygajõ « je vomis » ; keam կեամ « je vis » n’est identique ni à gr. ζη- () (de *gwyē-), ni à gr. βιω (biô) (de *gwiyō-), mais repose sur un thème *gwiy-ā֊ye-, où -ā- est un élément suffixal, auquel s’ajoute le suffixe secondaire *-ye- pour la formation du présent ; mnam մնամ « je reste » ne répond évidemment pas à lat. manē-re, gr. (με)μένη-ϰα ((me)menê-ka) mais a aussi un groupe suffixal *-ā-ye-, et il faut sans doute partir de *mēn-ā-ye- qui serait formé comme lat. cēlā-re, cēlō ou v. sl. -měta-ti « jeter », -měta-jõ. Ce -a- –ա– se retrouve d’ailleurs à l’aoriste, qui est toujours en -ç- –ց– : orcaçi ործացի.