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ծուռ « oblique, courbé, plié », cf. gr. γυρός « courbé, arrondi ». — À l’impératif aoriste, la consonne finale d’un polysyllabe disparaît même : l’impératif de sireac̣ սիրեաց « il a aimé » est sirea սիրեա « aime » ; l’impératif de hasoyc̣ հասոյց « il a fait arriver » est hasó հասո՛ (avec chute de et aussi du y de la diphtongue) ; l’impératif de arar արար « il a fait » est ara արա « fais » ; cette mutilation est isolée et n’entre dans aucune règle.

VII. CONCLUSION.

27. — L’arménien présente donc un système phonétique différent de celui de l’indo-européen.

1. L’indo-européen avait un accent de hauteur (ou ton) mobile ; l’arménien a un accent à place fixe ; cet accent a causé de nombreuses chutes de voyelles et, en particulier, de la voyelle de toute syllabe finale.

2. Le rythme de l’indo-européen était essentiellement quantitatif ; les voyelles arméniennes ne présentent aucune différence de quantité indépendante de la place de l’accent.

3. Les occlusives sourdes et sonores ont subi en arménien un retard du commencement des vibrations glottales, d’où a résulté une mutation consonantique complète, analogue à celle du germanique.

4. L’indo-européen avait des groupes de consonnes nombreux et variés ; l’arménien les a éliminés et a fait de presque toutes ses syllabes des syllabes ouvertes.

5. L’indo-européen avait une série de phonèmes qui étaient, suivant leur position dans le mot, voyelles, consonnes ou seconds éléments de diphtongues ; l’arménien a perdu le jeu de ces sonantes y, w, r, l, m, n.

Par suite, un mot indo-européen qui n’a subi jusqu’à l’époque de l’arménien classique d’autres changements que les changements phonétiques réguliers a changé d’aspect : hayr հայր « père » ressemble peu à gr. πατήρ, ełbayr եղբայր « frère » peu à gr. φράτηρ et k‘oyr քոյր « sœur » moins encore s’il est possible à skr. svásar- (nominat. svásā, lat. soror) et l’on hésite au premier abord à recon-