Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80

ment à zéro à la finale arménienne), qui a été généralisé ; c’est ce qu’on rencontre dans les mots en -ik –իկ et -uk –ուկ : ałǰik աղջիկ « jeune fille », gén. ałǰkan աղջկան, nom. plur. ałǰkunk‘ աղջկունք ; manuk մանուկ « enfant », gén. mankan մանկան, nom. plur. mankunk‘ մանկունք ; p’ok’rik փոքրիկ « petit », génit. p‘ok‘rkan փոքրկան ; peut-être aussi dans le mot isolé k‘ar քար « pierre », nom. plur. k‘arink‘ քարինք – Dans tous les autres mots, on trouve -n –ն, par exemple gaṙn գաղն « agneau » en face de gr. Ϝαρήν (Warên) : ce -n –ն n’est pas explicable directement ; il résulte en partie de l’influence des anciens neutres du type šaržumn չարժումն ; il y a eu en même temps contamination de *anj qui serait la forme de nominatif et de *anjinn qui serait la forme d’accusatif. On ne saurait rendre compte du détail, mais on entrevoit l’explication.

46. — Dans un grand nombre de mots, une flexion à nasale apparaît aux cas du singulier autres que le nominatif-accusatif sous la forme suivante : hangist հանգիստ « repos », génit. hangstean հանգստեան, p‘axust փախուստ « fuite », génit. p‘axstean փախտեան ; žołovurd ժողովուրդ « assemblée, peuple », génit. žołovrdean ժողովրդեան, tesil տեսիլ « vision », génit. teslean տեսլեան ; etc. Dès lors il est naturel de considérer le type en -ut‘iwn –ութիւն, génit. -ut‘eanութեան comme une forme élargie du type en -oyt‘ –ոյթ qu’on a dans erewoyt‘ երեւոյթ « apparition » ; et, comme ce dernier type appartient à la flexion en -i-, en réalité -t‘iwn –թիւն est ici *-ti- suivi d’un suffixe d’élargissement en -n-, c’est-à-dire qu’on doit rapprocher le type latin de mentiō, mentiōnis ; le -wn –ւն de -ut‘iwn –ութիւն, au nominatif, ne peut être qu’analogique ; à l’accusatif, un ancien -*iōnn̥ aurait abouti à -*wnn –ւնն.

D’une manière générale les thèmes arméniens en -n- représentent des thèmes indo-européens en -n- ; ainsi ełn եղն « cerf » répond à v. sl. jelen-. Le type en -mn de jermn ջերմն « fièvre », sermn սերմն « semence, descendance », répond à celui de skr. jánima « naissance » (génit. jánimanah), gr. πνεῦμα (pneuma) « souffle », etc. Le -u- de -umn –ումն dans le type šaržumn doit être phonétiquement le reste d’un ancien élargissement indo-européen (cf. § 21) et s’explique par la nécessité de donner plus de corps au suffixe ; Osthoff a