Page:Meillet - La Situation linguistique en Russie et en Autriche-Hongrie, paru dans Scientia, 1918.djvu/1

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA SITUATION LINGUISTIQUE
EN RUSSIE ET EN AUTRICHE-HONGRIE


L’empire russe et l’empire austro-hongrois ont ce caractère commun de renfermer des populations de langues différentes ; ils se distinguent par là de l’Angleterre, de la France et de l’Italie, où tout le monde a une même langue de civilisation et où les parlers locaux appartiennent presque tous à un même type linguistique. Mais, ceci posé, la situation des deux empires diffère du tout au tout.


I.


En Russie on rencontre des populations de langues diverses. Mais ces populations occupent pour la plupart les confins de l’empire, et les individus de langue russe forment une masse compacte, d’une rare unité.

Il faut tout d’abord mettre à part des États que la bureaucratie du tsarisme se proposait de russifier, mais qui ont repoussé ces tentatives et sur lesquels le peuple russe, aujourd’hui maître de ses destinées, n’élève aucune prétention : la Finlande et la Pologne. La Finlande a toujours eu un gouvernement à part ; le fond de la population est de langue finnoise ; il s’y superpose une aristocratie et une bourgeoisie de langue suédoise, et la Finlande a deux langues officielles : le finnois et le suédois ; elle est en dehors de la Russie et n’entre pas en considération ici. La partie de la Pologne qui est échue à la Russie lors du partage est toujours demeurée administrativement en dehors de la Russie. Les efforts odieux qu’a faits l’ancienne administration russe pour russifier le pays ont