Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
précisions nécessaires.

pante ; elle rappelle ce que l’on observe dans lat. duo, gr. dyō̆, etc.

Le traitement *erk- de *dw- initial est étrange. Mais on a pu montrer qu’il se retrouve dans tous les cas où figure ce même groupe initial ; deux autres rapprochements, aussi bons pour le sens que celui de erku avec lat. duo, l’établissent. Et le fait s’explique en arménien (sur tout cela, voir p. 31).

Du reste, si erku était un ancien dissyllabe et si l’e y avait existé originairement, l’-u final n’aurait pu se maintenir ; car, dans tout dissyllabe dont l’arménien a hérité, la voyelle de la syllabe finale s’est amuïe. L’-u de erku, qui répond si naturellement à l’ancien * attesté par hom. dyō, v. sl. dŭva, etc., n’est demeuré que parce que, à la date où se sont amuïes les voyelles des syllabes finales, le mot n’était pas dissyllabique.

Toutefois l’étrangeté du traitement phonétique pourrait laisser des doutes à certains esprits. La démonstration est acquise dès que l’on montre les variations concordantes de la forme de « deux » en arménien et dans les autres langues indo-européennes. Comme un ō indo-européen est représenté par u en arménien, la forme erku repose sur *duwō, conservé par exemple dans la forme homérique dyō et dans v. sl. dŭva, comme dans védique d(u)vā́. Mais il y avait une autre forme *duwo, avec o bref final, qui est la forme usuelle en grec, soit dyo. Or, à côté de erku « deux », l’arménien a erko-tasan « douze » (deux et dix), où le type à o bref est maintenu. Et ce n’est pas tout : au premier terme des composés, l’indo-européen avait *dwi-, et non *dwo-, ainsi dvi- en sanskrit, di- en grec, bi- en latin ; or, l’arménien a erki- dans erkeam « de deux ans ». Cette triple