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besoin de faits nouveaux

série de variations concomitantes exclut le hasard.

La démonstration est ainsi achevée.

Il n’est pas toujours possible de trouver des concordances aussi complètes et aussi nombreuses. Il résulte de là que le degré de probabilité des étymologies varie d’un cas à l’autre. Dans quelques cas, comme celui qui vient d’être cité, la preuve ne laisse rien à désirer, et elle atteint un degré de rigueur qui se rencontre rarement en matière historique. Dans d’autres, le rapprochement n’est que possible, et parfois il est malaisé d’en montrer même la vraisemblance. Entre les deux extrêmes, il y a tous les degrés de probabilité : l’un des défauts les plus graves de beaucoup de dictionnaires étymologiques, c’est qu’ils n’indiquent pas assez les différences de valeur entre les rapprochements. Si le linguiste ne dispose pas de coefficients pour noter ces différences, il ne manque cependant pas de moyens de les faire sentir et de les signaler.


Pour faire progresser la linguistique historique, il importe de préciser, de systématiser et d’étendre les recherches. Car les théories reposent sur des données incomplètes, vagues, livrées par le hasard plutôt que choisies.

Il faut des observations toujours plus précises : à chaque fois qu’on a observé les données de plus près, on a pu obtenir des résultats nouveaux. Pour les langues actuellement parlées, on est loin d’avoir mis en œuvre tous les moyens dont on dispose. La phonétique a besoin de laboratoires et, dans ces laboratoires, de linguistes exercés à manier les instruments. Et il ne suffit pas d’observer les faits tels qu’ils sont à un moment donné. Un article récent du regretté Poirot, paru dans les Mélanges Andler, a montré comment on peut saisir un