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précisions nécessaires.

femmes confinées à la maison peuvent n’avoir qu’une seule langue. La variété des situations suivant les gens est infinie.

On croit savoir ce que c’est que le français. En réalité personne ne sait vraiment comment parle l’ensemble des sujets ni dans un village français, ni dans une ville de province française, ni moins encore à Paris. Qui voudrait savoir comment évoluera le français devrait chercher en quelle mesure s’emploient les parlers locaux à la campagne et dans les villes, quelle forme spéciale affecte le français dans chaque province, dans chaque ville et, dans chaque ville, chez les gens de chaque condition sociale, de chaque profession, de chaque groupe.

Le français des grammaires et des dictionnaires est connu ; mais ce n’est qu’un ensemble de prescriptions. Ce qui importe au linguiste, c’est de connaître comment les gens qui parlent français se comportent vis-à-vis des règles. Or, on n’a là-dessus que des idées vagues ; il n’a été fait aucune enquête méthodique, à peine quelques sondages partiels.

Et pourtant le fait que le français commun devient en France la langue de tout le monde alors que, au début du xixe siècle, il était la langue d’une très petite minorité d’hommes cultivés, a radicalement changé les conditions du développement de la langue et ne peut manquer d’y déterminer des innovations considérables.

Ce qui est vrai du français l’est de toutes les grandes langues du monde.

L’histoire constate que des langues communes s’étendent. Mais, en ce qui concerne le passé, la façon dont a eu lieu cette extension n’est pas déterminable. Et, quant au présent qu’on pourrait observer, on le laisse s’écouler