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les dialectes

groupe de satəm (d’après une forme iranienne du nom de nombre « cent ») et d’un groupe de centum (d’après la forme latine).

Mais, si l’on examine d’autres faits, on trouve d’autres répartitions. Ainsi la distinction de o et de a est conservée en arménien, en grec, en italo-celtique ; mais elle est effacée en germanique, en baltique et en slave, en indo-iranien. Cette fois, le germanique marche avec le slave, etc., et l’arménien avec le grec, etc.

On n’arrive donc pas à poser, à l’intérieur de l’indo-européen, des dialectes définis, mais des différences de traitement pour certains faits phonétiques, morphologiques ou lexicaux. Et chacune de ces différences a ses limites propres. Le domaine de l’indo-européen commun était donc traversé par des lignes marquant les régions où, à plusieurs points de vue, s’employaient des formes diverses. Et ces lignes, dites lignes d’isoglosses, ne concordent que partiellement les unes avec les autres.

Cet état de choses concorde avec celui que l’on observe en beaucoup de cas. Ainsi le domaine gallo-roman ou le domaine lituanien sont traversés par des lignes d’isoglosses non concordantes entre elles marquant les limites de plusieurs traits linguistiques.

Cette coïncidence entre des types de faits actuellement observables et ceux qu’on est amené à attribuer à l’indo-européen montre combien réelle est l’image que la comparaison amène à se faire de l’indo-européen. Il ne s’agit pas d’un simple schéma, mais d’un objet varié comme la réalité elle-même.


Beaucoup de changements différents suivant les régions naissent après l’époque de communauté, en conséquence