Page:Memoires de Mademoiselle de Bonneval.djvu/52

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lettre de Barneuil ; mais trop habile pour ne pas voir à l’embarras de deux jeunes Amans, ce qui se passoit dans leur cœur, sa pénétration avoit précédé ce témoignage : notre amour étoit une chose dont elle ne doutoit nullement, & elle se faisoit un plaisir malin de m’en imposer par une incertitude affectée : j’écrivis tout ce qu’elle vouloit. Hélas ! je ne sçavois pas que chaque ligne étoit un coup de poignard dont je perçois le cœur du malheureux Barneuil. En voilà assez, me dit froidement ma Tante ; je me retirai l’âme partagée entre le plaisir de sçavoir que celui qui m’avoit attendrie, n’étoit pas insensible, & la douleur d’accabler ce malheureux Amant du coup le plus funeste. Il va croire que je le hais, disois-je ; s’il est aussi vivement épris, qu’il veut me le persuader, j’en