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Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/112

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met déjà son ombre sur les tristesses et les haines. C’est d’oubli autant que de toile que sont faits les linceuls. Grâce à la tombe refermée, nous avons le droit et même le devoir de choisir entre nos souvenirs. Oui, je le crois, nous pouvons ne pas nous rappeler que l’incomparable poète-musicien fut le misérable insulteur de nos défaites et de nos gloires. Pour moi, je ne sais plus qu’il m’a fallu, hélas ! le mépriser et le haïr. Je le revois tel que je l’ai connu jadis, avant les années terribles, au jour des enthousiasmes sans restriction, je me reprends à l’aimer comme je l’aimais alors et je salue son glorieux front mort.

Ceci dit, je pense qu’il ne sera pas sans intérêt de donner quelques détails sur la personnalité très curieuse et assez peu connue de l’homme de génie qui n’est plus. C’est à Lucerne surtout qu’il me fut donné de le connaître intimement. À Paris déjà — à propos de la Revue fantaisiste — j’avais eu occasion de le voir chez lui, rue d’Aumale, si j’ai bonne mémoire. Mais c’avait été peu de temps avant la première représentation de Tannhäuser à l’Opéra ; tourmenté par mille tracasseries, par des « misérabilités »,