Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/173

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Attentive, les yeux ravis, la bouche ouverte,
Comme sont les enfants au théâtre Guignol,
Elle écoutait le chant sous la frondaison verte.
Et moi, je me sentais jaloux du rossignol.

« Belle âme en fleur, lilas où s’abrite mon rêve,
Disais-je, laissez-là cet oiseau qui me nuit
Ah ! méchant cœur, l’amour est long, la nuit est brève ! »
Mais elle n’écoutait qu’une voix dans la nuit.

Alors je crus subir une métamorphose !
Et ce fut un frisson dont je faillis mourir.
Dans un être nouveau ma vie était enclose,
Mais j’avais conservé mon âme pour souffrir.

Un autre était auprès de la seule qui m’aime.
Et tandis qu’ils allaient dans l’ombre en soupirant,
Ô désespoir ! j’étais le rossignol lui-même
Qui sanglotait d’amour dans le bois odorant.

Puis elle s’éloigna lentement, forme blanche.
Au bras de mon rival assoupie à moitié ;
Et rien qu’à me voir triste et seul sur ma branche
Les étoiles du ciel s’émurent de pitié.