Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/290

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Il voit en son esprit, Dieu voulant qu’il le voie,
Hommes, femmes, enfants que l’on tient par la main,
Tout un peuple courir sur le même chemin
Avec des cris de haine et des clameurs de joie.

Devant la multitude une femme s’enfuit,
Frissonnante, éperdue, et courbant vers la terre
Le front déshonoré de la femme adultère
Que lapident déjà la menace et le bruit.

Elle fuit, demie nue, et sa pudeur tardive
Sous des lambeaux pressés de ses voiles épars
Voudrait cacher aux yeux braqués de toutes parts
La beauté déplorable où leur fureur s’avive.

Parfois elle s’arrête et tombe à deux genoux,
Tendant les mains, criant, plus morte que vivante,
Les suprêmes appels que la détresse invente ;
Mais le peuple hideux amasse des cailloux.

Le vieillard voit cela sans lever la paupière.
Son chef na point tremblé. Son sein ne s’enfle pas.
Seulement, de sa manche il tire un maigre bras,
Comme pour ramasser et lancer une pierre.