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Page:Mendès - Le Roi Vierge - 1881 (leroiviergeroma00mendgoog).djvu/122

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LE ROI VIERGE

ment autour d’elle, attentif, avec des soins, avec des sourires, mais rapprochant de plus en plus le cercle de l’enveloppement, qu’elle fut prisonnière enfin, tout à fait, sans s’en être aperçue. C’était, d’ordinaire, un esprit peu lucide, troublé par la griserie montante du désir, une lueur parmi de la fumée ; et, dans les rares instants de farouche enthousiasme, où, abondant en paroles, elle se haussait jusqu’à la vision grandiose d’elle-même, elle était trop violente, trop directe, trop absorbée par une pensée unique pour démêler les ruses et pour s’en dépêtrer. D’ailleurs, elle redescendait vite dans sa chaude inertie de grande bête lente qui s’étire, — les sens toujours en émoi, l’âme fainéante. Elle se laissa donc prendre, bonnement. Lui, dès qu’il fut sûr de la bien tenir, il affirma brutalement son triomphe : comme un ennemi qui s’est introduit, de nuit, par quelque issue secrète, dans une forteresse, se dévoile tout à coup et plante son drapeau. Il avait souri, familier, obséquieux ; il eut des regards durs, qui maîtrisent. Il avait flatté, cajolé, prié ; il ordonna avec des paroles tyranniques. Il lui disait : « Je te permets », ou « je te défends ». Il choisissait pour elle. « Pas celui-là. — Pour-