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LE ROI VIERGE

répondit Karl dans un gros sourire. Si Elle s’approchait encore, je serais obligé de reculer par respect, et je tomberais dans ce précipice, infailliblement.

Le roi reprit, en retroussant avec un air de dédain sa lèvre pâle et fine :

— Eh bien, tu mourrais ! Tu tiens donc à vivre, toi, enfant ? Cela t’intéresse de voir la stupidité de l’homme et l’ignominie de la femme ? Ah ! je te le dis, Karl, toute la foule vivante des mortels est une poussière moins précieuse que ce nuage de neige emporté par le vent, et toutes les paroles qui furent proférées depuis le babil du premier-né sous les lèvres de la première mère, ne valent pas le chant de l’oiseau que tu as fait s’envoler !

Il parlait ainsi, amer et mélancolique, et farouche un peu, mais joli, — l’air d’un très jeune Hamlet à qui Shakespeare aurait donné un rôle dans une féerie intitulée le Songe d’un Matin d’Hiver.

Il s’assit sur la neige, et, après une rêverie :

— Enfin, explique-toi. Pourquoi as-tu révélé le secret de ma retraite ?

Karl essaya de donner quelque gravité à sa