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FRÉDÉRICK

Après une assez longue marche presque silencieuse à travers les fougères et les troncs de jeunes chênes, les fugitifs se trouvèrent dans une plaine toute baignée d’ombre crépusculaire, et, en face d’eux, sur une haute colline escaladée de sapins, les ruines de Lilienbourg s’érigeaient, difformes et sombres dans la pâleur du ciel encore bleu.

— Une forteresse ! s’écria le capitaine.

— Nous la mettrons en état de défense, dit le lieutenant Karl.

— Oui, dit Lisi, allons.

Après avoir congédié les enfants du village qui s’étaient engagés gravement à ne parler à personne de toute cette aventure — promesse qui fut tenue, ou ne le fut pas — la petite archiduchesse se mit à la tête des brigands et commença de grimper le sentier qui s’enroule autour de la colline et aboutit enfin à la porte ruinée de l’antique château. En même temps que les enfants, la nuit montait la côte, noircissant les verdures, mêlant les roches à l’ombre, éteignant comme sous un voile de silence les gazouillis des nichées et les cliquetis épars des insectes dans l’herbe ; et la ruine elle-même, peu à peu submergée par la marée des ténèbres, amollissait ses angles