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FRÉDÉRICK

ment des rhythmes, par le vague des images, ils donnaient des ailes à toutes les pesanteurs, ils vaporisaient en âmes la bestialité des chairs ! Dupes eux-mêmes ? non, menteurs. Pourquoi nommaient-ils les lèvres avec des noms de roses, pourquoi chantaient-ils les yeux avec des mots aussi bleus que le ciel ? Les plus bas étaient les moins coupables, les obscènes avaient raison ; ceux-là du moins ne trompaient personne, ne cachaient pas les piéges ; c’étaient des porcs sincères, contents de leur pâtée, et disant : « C’est bon ! mange avec moi ! » Mais les plus purs, ceux qui, à force de s’élancer hors de l’humanité, nous apparaissent presque dieux, étaient les plus criminels. Qui leur demandait de faire fleurir des paradis de chastes délices sur les flancs et entre les seins des femmes ? Ô cruels tentateurs ! Le flanc conçoit et enfante, le sein se gerce sous la dent, et allaite. Ce n’est pas vrai que les cheveux soient faits de soleil et d’or, et que le satin des peaux soit comme celui du lys, et que les larmes aient la claire fraîcheur des rosées et des perles ! La bouche bave sous la limace du baiser. Les enchantements de la poésie, environnant et dérobant le vrai, sont des guirlandes autour d’une