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LE ROI VIERGE

il ne voulait pas croire que l’élan de la passion vers l’idéal ne tendait, en effet, qu’à cette réalisation basse et laide. Quoi ! c’était cela que Roméo demandait à Juliette ? Ce que Saint-Preux attendait de Julie, ce que Virginie aurait donné à Paul si elle n’était pas morte sur la grève, ce que Claire ne refusait pas à Egmont, c’était cela, c’était cela ! déchéance ! Ô turpitude ! L’ange n’ayant qu’un but : être la bête ; la neige n’ayant qu’une pente : devenir la boue ! Il se disait : « Non, non, ce n’est pas vrai ! » Mais l’évidence des analogies s’imposait à sa pensée. Tout diamant avait cette tare ; toute liqueur avait cette lie. Les Séraphins même, sur les froides cimes blanches, comme les Vénus dans les chaudes roses, étaient marquées de l’infâme macule, et, entre elles et la grasse fille de campagne, femelle qui exige et qui subit le mâle, il n’y avait que des différences de beauté, à peine sensibles dans l’ordure commune, que les degrés du moins vil au plus abject, dans l’immonde toujours ! Oh ! il détestait les poètes à présent, car il ne voyait plus en eux que les complices de la réalité. Ils étaient les trompeurs des esprits, ceux qui jettent des parfums sur la pourriture, afin de la faire aimer. Par l’envole-