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FRÉDÉRICK

buée où la chair se dilate ; il lui semblait aussi qu’elle pénétrait en lui comme une boisson véhémente qui fortifie les nerfs et fait s’épanouir l’esprit. Jamais il n’avait connu de telles délices ; une fièvre l’envahissait, une fièvre exquise ; il vivait d’une vie nouvelle, où il se développait si magnifiquement en force et en ivresse, que cette vie-là, à coup sûr, était celle pour laquelle il était né et qu’il avait, sans la connaître, si longtemps et si désespérément enviée ! La brusque entrée d’un être dans son naturel élément.

La musique seule, en effet, pouvait satisfaire cette âme pour qui toute réalité était un objet de dégoût. La peinture et la sculpture, par la couleur et la forme, expriment la vie ; elles devaient donc être, à Frédérick, aussi odieuses que la vie elle-même. La poésie chante, mais elle parle ; si magnifiquement spirituelle qu’on la conçoive, elle montre, grâce au relief des images et à la précision du verbe, la beauté des choses intellectuelles ou physiques. Mais la musique ne dit rien d’une façon définie ; elle est comme un bégaiement divin, qui ne peut pas devenir parole ; elle s’efforce toujours vers un idéal, qu’elle ne saisit jamais, comme quelqu’un qui marcherait toujours et