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GLORIANE

de polissons, il devint une espèce de puissance avec laquelle les artistes devaient compter, les soirs de début ; il organisait des succès ou des chutes. Les abonnés du théâtre connaissaient sa petite tête chafouine, mièvre, laide, aux yeux demi-fermés, qui s’avançait, le menton entre les poings, sous la barre de fer de la troisième galerie ; s’il faisait la grimace, on disait : « Il y aura du bruit. » Mais il était clément pour les actrices, et bien qu’il enrageât de n’être assis ni dans les fauteuils d’orchestre, d’où l’on voit la mousseline feuilletée des jupons de dessous, ni dans les avants-scène, d’où l’on plonge les regards jusqu’au fond des corsages, il avait des indulgences pour celles des chanteuses qui étaient très grasses. Un jour on lui offrit cinq francs pour chuter une dugazon ; il prit la pièce, mais applaudit, parce que la débutante avait des bras gros comme des jambes, qu’elle levait, en chantant faux, hors de son corsage sans manches. D’ailleurs, hargneux, brutal, gouailleur, disant avec un accent qui prolongeait l’ignominie du propos : « Toutos cagnos, tè ! » Gamin devenu voyou. Un soir, traversant la place Lafayette, il revit l’affiche jaune et les deux pou-