Je vais aux Champs-Élysées. Le canon tonne ; des voitures d’ambulance descendent l’avenue et s’arrêtent devant le palais de l’Industrie ; en face, le théâtre Guignol lait pouffer de rire son public ordinaire. Ah ! misérable temps ! affreuse lutte fratricide ! Maudits soient à jamais ceux qui en sont la cause !
Cependant, tandis que l’on tue et que l’on meurt, les membres de la Commune rendent des décrets ; les murs sont blancs d’affiches officielles. « MM. Thiers, Favre, Picard, Dufaure, Simon et Pothuau sont mis en accusation ; leurs biens seront confisqués et mis sous séquestre, jusqu’à ce qu’ils aient comparu devant la justice du peuple. » Cette mise en accusation, cette mise sous séquestre rendront-elles aux veuves leurs maris, aux orphelins leurs pères ? « La Commune de Paris adopte les familles des citoyens qui ont succombé ou succomberont en repoussant l’agression criminelle des royalistes conjurés contre Paris et contre la République française. » N’envoyez pas les pères à la mort, cela vaudra mieux que d’adopter les enfants. Ah ! décrets dérisoires ! Vous séparez l’Église de l’État ? vous supprimez le budget des cultes ? vous confisquez les biens du clergé ? Il s’agit bien de ces choses à cette heure ! Ce qui est nécessaire, ce qui est indispensable, c’est l’apaisement, ce sont les massacres évités, ce sont les haines éteintes. Cela, vous ne le décréterez pas ! Non, non, ce qui se passe, vous l’avez voulu, vous le voulez encore ; vous avez profité des provocations, — que je ne conteste pas, — pour amener le plus épouvantable conflit dont se souviendra l’histoire de notre malheureux pays, et vous persévérez, et pour rallumer le courage chancelant de ceux que