Page:Mendès - Les 73 journées de la Commune, du 18 mars au 29 mai 1871, MS.djvu/17

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l’impasse.

que les lignards lèveraient la crosse en l’air, que les chasseurs, après avoir perdu un seul officier, ne songeraient plus qu’à tourner le dos, et que tous les exploits des troupes régulières se borneraient à de copieuses bombances en compagnie des insurgés ? Non-seulement le gouvernement aurait pu supposer cela, mais je ne conçois pas qu’il ait pu un seul instant espérer un dénouement qui ne fût pas absolument celui-là. Comment ! depuis bien des jours déjà, les soldats oisifs erraient dans les rues avec les gardes nationaux ; ils logeaient chez les Parisiens, mangeaient leur soupe, courtisaient leurs femmes, leurs filles ou leurs bonnes. Déshabitués de la discipline par le relâchement que la défaite avait introduit dans l’organisation militaire, désabusés du prestige que les chefs essayent en vain de conserver après des désastres, importunés de leur uniforme qui désormais ne pouvait plus leur inspirer de fierté, ils devaient évidemment être tentés de se mêler à la population, de se confondre parmi ceux à qui l’humiliation de la défaite incombait moins directement. Le soldat vaincu voulait se cacher dans le citoyen. D’ailleurs, les généraux, les colonels, les capitaines ne connaissaient-ils pas l’esprit des troupes ? Faut-il admettre qu’ils se soient grossièrement trompés à ce sujet, ou qu’ils aient trompé le gouvernement ? Donc celui-ci pouvait et par conséquent devait être en situation de prévoir le résultat de sa tentative de répression. Il avait peut-être le droit de sévir, mais il n’avait pas celui d’ignorer qu’il n’en avait pas le pouvoir. Maintenant, cent mille fusils, chassepots, tabatières et pistons, trinquent chez les vendeurs de vins frelatés et d’alcool. Le gouvernement se