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LES BAISERS D’OR

— Serait-ce qu’il vous déplaît de ne voir tomber de vos lèvres que des pièces d’or toujours, et, par goût du changement, vous plairait-il que j’en fisse sortir des diamants ou des saphirs gros comme des œufs de tourterelles ?

— Ah ! gardez-vous-en bien !

— Dites-moi donc ce qui vous afflige, car, pour moi, je ne le saurais deviner.

— Grande fée, il est très agréable de se chauffer lorsqu’on a froid, de dormir dans un lit de plume, de manger à sa faim, mais il est une chose meilleure encore que toutes celles-là. C’est de se baiser sur les lèvres quand on s’aime ! Or, depuis que vous nous avez faits riches, nous ne connaissons plus ce bonheur, hélas ! car chaque fois que nous ouvrons nos bouches pour les unir, il en sort de détestables sequins ou d’horribles ducats, et c’est de l’or que nous baisons.

— Ah ! dit la fée, je n’avais point pensé à cet inconvénient. Mais il n’y a pas de remède à cela, et vous ferez bien d’en prendre votre parti.