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LE SOIR D’UNE FLEUR

Français se défient des Français ; pas moyen d’engager la conversation. Enfin, il était dix heures du soir, ils étaient venus à la fête à deux heures de l’après-midi, et, dans tout ce temps-là, pas une aubaine, rien ; ils n’auraient pas eu seulement de quoi prendre un verre avant d’aller se coucher, si la petite n’avait reçu quelques sous, en mendiant entre les voitures. S’il n’y avait pas de quoi se mettre en colère ! Alors, pour vivre, il faudrait donc s’expatrier ? puisqu’il n’y avait pas moyen de faire son métier, honnêtement, dans son pays ! Et tout cela était dit dans des grognements, avec de sales jurons et cet accent des bouges qui donne à toutes les paroles l’ignominie de l’argot.

Pourquoi je suivais, pourquoi j’écoutais ces vils passants ? À cause de la fillette, toute haillonneuse, maigre, laide, chétive. Ce qui était exquis, c’est qu’elle avait ramassé une fleur.

— Marguerite !

— Maman ? dit l’enfant dans une secousse.

La mère lui flanqua une gifle.