Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
LES TROIS SEMEURS

grandissait, mourait un de ces bruits qui sont les soupirs de la nature endormie, « n’est-ce pas l’écho d’une sonnerie de trompette ? » demandait Honorat ; « n’est-ce pas, disait Chrysor, le son lointain d’une pièce d’or qui a roulé d’un tiroir ? » mais Aloys murmurait : « Je pense que c’est le petit gazouillis d’un nid qui se rendort. »

Or une vieille femme, un jour, les vit venir tandis que, dans un maigre champ, elle creusait de sa bêche de tout petits sillons pour y semer des graines. Elle était si vieille et si loqueteuse que vous l’auriez prise pour un très ancien siècle habillé de chiffons ; et son antiquité se compliquait de laideur. Un œil crevé, tout jaune, l’autre à demi couvert d’une taie, trois touffes de cheveux gris se recroquevillant hors d’un foulard de sale cotonnade, la peau rouge, avec des verrues, et ses lèvres faisant flic ! flac ! faute de dents, chaque fois qu’elle aspirait l’air, elle était faite à souhait pour le désespoir des yeux ; celui qui eût passé devant elle, aurait pressé le pas, dévoré du besoin de voir une belle fille ou une rose. Mais qui