Page:Mendès - Les Oiseaux bleus, 1888.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
LES DEUX MARGUERITES

quoique un peu triste, je ne me repens pas de mon imprudence. J’ai eu tant de joies, mon frère !

— Cela te fait une belle jambe ! Si tu avais été aussi circonspect que moi, tu n’en serais pas réduit à de stériles regrets. Car, apprends-le, je n’ai qu’un geste à faire pour goûter tous les plaisirs dont tu es sevré.

— Est-il possible ?

— Sans doute, puisque j’ai gardé intact le présent de la fée. Ah ! ah ! je puis me donner du bon temps, si je veux. Voilà ce que c’est que d’avoir de l’économie.

— Quoi ! intact, vraiment ?

— Regarde plutôt, dit Lambert en ouvrant la boîte qu’il avait tirée de sa poche.

Mais il devint très pâle, car au lieu de la fraîche marguerite épanouie, il n’avait sous les yeux qu’un petit tas grisâtre de poussière, pareil à une pincée de cendre tumulaire.

— Oh ! s’écria-t-il avec rage, maudite soit la méchante fée qui s’est jouée de moi !

Alors, une jeune dame, toute habillée de fleurs, sortit d’un buisson de la route :