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LES LARMES SUR L’ÉPÉE

mission, de faire luire, là-bas, parmi les mensonges et les traîtrises, la tranchante équité de l’épée ? Non, il voulait achever son œuvre de ce jour, incomplète encore. L’enchanteur gisait sans vie, le château renversé se dressait comme l’énorme et glorieux sépulcre de tant de chevaliers vaincus par trahison ; c’était bien ; ce n’était pas assez ! Il fallait que l’arme lâche, avec laquelle on frappe de loin, disparût pour toujours, ne pût jamais être retrouvée. Il avait d’abord songé à la briser ; mais un méchant homme en aurait pu ramasser les morceaux, aurait pu faire une arme semblable, d’après les débris rassemblés. La cacher sous la terre ? Qui savait si quelqu’un, un jour, par hasard, ne l’eût pas déterrée ? Le plus sûr, c’était de la jeter, la nuit, dans la mer, loin des rivages ; c’est pourquoi il ramait vers le large. Quand il fut loin de la rive, très loin, quand il fut certain qu’il ne pouvait plus être vu, quand lui-même il ne vit plus rien, sinon l’immensité de l’onde et l’immensité du ciel, il se dressa, prit dans sa droite l’arme diabolique, cracha dessus, et la lança