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LES OISEAUX BLEUS

tout le vaste monde, ils ne voyaient qu’eux seuls. Les affaires de l’État étaient le moindre de leurs soucis ; qu’on leur permît de s’adorer en paix, ils n’avaient pas d’autre désir ; et, sous leur règne, on ne fit point la guerre, tant ils s’occupaient à faire l’amour. Au milieu d’une telle joie, Martine songeait-elle au céleste messager qui avait pris sa place, par charité pure ? Rarement. Son bonheur ne lui laissait pas le temps de ce chagrin. Que si, — parfois, — un remords lui venait de n’avoir pas accompli sa promesse, elle s’en délivrait en se disant que Martine, dans la chaumière, n’était peut-être pas aussi malade qu’il paraissait, et que l’ange avait dû guérir. D’ailleurs, elle ne s’inquiétait guère de ce passé si obscur, si lointain, et elle ne pouvait pas avoir de tristesse puisqu’elle s’endormait tous les soirs, la tête sur l’épaule de son royal époux. Mais il advint une chose terrible : le roi disparut un jour, pour ne plus reparaître, et personne ne put savoir ce qu’il était devenu.