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LES OISEAUX BLEUS

des chanteurs excellents. Oriane était donc de très belle humeur, et, comme la joie fait qu’on est bon, elle rendait service en chemin à toutes les personnes et à toutes les choses qu’elle rencontrait ; fourrant des bouquets de mûres dans le panier des gamines qui s’en vont à l’école, soufflant, pour les aider à éclore, sur les boutons d’églantines, mettant des brins d’avène par-dessus les gouttes de rosée, de peur que les cirons courussent le risque de se noyer en les traversant. Deux amoureux, paysan et paysanne, s’embrassaient dans un champ où le blé vert leur venait à peine aux chevilles ; elle fit mûrir et grandir les blés afin que, de la route, on ne vît point les baisers. Et comme, à faire le bien que vous conseilla la joie, on devient plus joyeux encore, la fée Oriane était à ce point pleine d’aise que, si elle n’avait pas craint de renverser la voiture, elle se serait mise à danser dans la coquille de noisette. Mais, bientôt, ce ne fut plus le temps d’être contente. Hélas ! qu’était-il arrivé ? Elle était bien sûre d’avoir suivi la bonne route, et là où naguère la forêt de Brocéliande