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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/108

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MÉPHISTOPHÉLA

cher ; il avait failli, en s’asseyant, rompre la chaise. Pas plus de trente-trois ans, la face congestionnée, même quand il ne riait pas, sous de rudes cheveux poivre et sel, plutôt poils que cheveux, — l’air d’une barbe sur un crâne, — les narines battantes et reniflantes, de belles lèvres écarlates entre lesquelles luisaient de larges dents très saines, il donnait l’impression d’une force bonne ; et dans ses grands yeux, d’un bleu d’azur, chastes, inviolés, il y avait une candeur d’enfance ; il faisait penser à une espèce de soudard vierge. Il était rude et doux, brutal et pur. On sentait que la vie n’avait pas gâté cet homme. Eh ! parbleu, c’est certain, on n’est pas une demoiselle, les soirées de garnison sont longues, et, après les punchs, faire la noce avec de bonnes filles, ce n’est pas défendu. En Algérie, par exemple, on ne s’amuse pas tous les jours ! s’il y a des jours où l’on s’amuse trop, cela fait compensation. Mais, à ce soldat, tout ce qui, dans la joie, n’est pas la franche humeur, et, dans l’amourette, n’est pas le prompt plaisir sans lendemain, « adieu, adieu, ma fille ! au plaisir de te revoir, toi, ou une autre ! » était resté inconnu ; et, dépourvu de toute complication, n’allant pas chercher midi à quatorze heures, comme on dit, aimant la guerre et la joie, il