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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/134

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MÉPHISTOPHÉLA

propre peau déshonorée ; elle avait l’impression d’un arrachement frais. Elle s’en allait, elle se précipitait comme une bête qui secoua la selle et le mors, — plus vite quand elle croyait sentir, dans l’illusion d’une pesée, l’assaillement opiniâtre de l’hymen ; et son mal entre les jambes éperonnait sa fuite.

Toute son horreur détestait la masculinité triomphante ! elle avait eu, c’était épouvantable, la bouche de cet homme sur sa bouche, les dents de cet homme sur ses dents. Ah ! comme elle comprenait, à présent, comme elle approuvait son instinctif effroi des noces et des nuits matrimoniales. Ah ! mon Dieu, Emmeline ! Emmeline, si on l’avait mariée, aurait dû subir, elle aussi, ces exécrables outrages. Sophie était presque heureuse, en son désespoir, d’avoir été, elle, la victime ; la vision de son amie souffrant comme elle avait souffert elle-même, lui était si effrayante qu’elle se réjouissait presque du mal que, seule, elle avait supporté ; il lui semblait, en un étrange besoin de sacrifice, comme réalisé d’être si ardent, qu’elle avait été, cette nuit, une remplaçante, qu’elle s’était substituée ; elle avait l’orgueilleuse joie d’une hostie expiatoire. Mais la fierté chimérique du dévoûment ne l’emportait pas sur les affres réelles. Elle sentait tou-