Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
MÉPHISTOPHÉLA

la traversa que l’enlacement féminin pourrait avoir, des masculines caresses, tout ce qu’elles ont de tendre, sans rien avoir de ce qu’elles ont de déchirant. Être un époux avec des douceurs d’amie ; être la force qui ne fait point de mal, qui veut, non moins que sa propre joie, la joie de l’adorée, cette possibilité lui apparut, lointaine, mais si douce ! elle n’entendrait pas, sous sa bouche, grincer les dents d’Emmeline, comme ses dents à elle avaient grincé sous la bouche de l’homme. Elle consentait aux mansuétudes, aux attentes, calmée par la prière d’épargner qui émanait de cette tendre chair immaculée. Mais elle ne pouvait pas ne pas aimer ce corps qu’elle se refusait ! elle regardait les deux seins nus et le lisse ventre, si pur, et le reflet de l’ombre. Au désir d’étreinte succédait une espérance de frôlement, peut-être parce que, en ses sens prompts, l’outrance même du désir en avait amené, dans une inconsciente pâmoison, l’attendrissement : elle voulait moins, d’avoir trop voulu ; elle voulait cependant, en sa concupiscence alanguie ; et, très lentement penchée, avec la légèreté d’un souffle sur le sommeil d’un berceau, elle effleura de ses lèvres l’un des seins endormis et vivants, celui dont la cime à peine rose était traversée de l’ombre d’un seul cheveu pareil à un imperceptible fil d’or.