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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/159

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MÉPHISTOPHÉLA

très longtemps. Ce qu’elle avait fait dans ce pays, on l’ignorait. Pas des choses honnêtes, à coup sûr. Sophie était peut-être sortie de quelque libertin de là-bas, de quelque seigneur qui bat ses serfs et viole leurs filles. Le baron Jean se souvint, à ce moment de ses réflexions, d’un tailleur, à Montpellier, qui raccommodait les uniformes des officiers. Il était bossu, ce tailleur. Quand on se moquait de lui, à cause de sa bosse, il disait avec un rire qui faisait de la peine : « Que voulez-vous, c’est dans la famille. Mon grand-père, lui aussi, avait une épaule plus haute que l’autre. » Les difformités morales se transmettent peut-être comme les difformités physiques. Le baron d’Hermelinge avait presque des pitiés pour Sophie, épouvantable, mais innocente héritière d’une race inoculatrice d’infamie. Mais, cette pitié, il la chassait vite. « Chienne ! Chienne ! » Ah ! tonnerre de Dieu ! pourvu qu’il ne lui eût pas fait un enfant sur le lit de noces ! Ce qui le retenait au moment du départ, ce qui le contraindrait à rester quelques heures encore du moins, c’était Emmeline, mal gardée par sa mère. Une bonne femme, Mme d’Hermelinge, mais ne voyant rien de rien, et contente si, entre la messe et les vêpres, elle a un peu avancé son éternelle tapisserie. Laisser Emmeline, comme