Aller au contenu

Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
MÉPHISTOPHÉLA

vous a touchée. Sophie ne devinait presque jamais, soit qu’elle eût la pensée ailleurs, soit qu’il lui plût d’être celle qui met le front dans la robe. Très souvent, à genoux, la tête penchée, arquant les reins, et haletante, elle tardait longtemps à répondre. « Voyons, j’ai touché, dors-tu ? » Elle répondait enfin en un lent soupir qui se meurt : « Avec tes cheveux, je crois. » L’autre éclatait de rire : « Non, bête, avec de l’herbe ! » Quand Sophie relevait le front, elle était très pâle, les yeux clos, la bouche ouverte, elle vacillait sur ses genoux ; alors, elle prenait à pleins bras son amie, éperdument, et l’étreignait, lui mettant sa tête entre les seins. Mais Emmeline : « Tu as perdu, recommençons. — Je veux bien, » disait Sophie ; elle renfonçait sa tête, selon le jeu, entre la jupe, et, silencieusement, — la main derrière le dos, — elle avait les sursauts de quelqu’un qui sanglote. « Tu pleures ? demandait Emmeline. — Non, non, pourquoi veux-tu que je pleure ? Jouons ».

Une fois, par une après-midi très chaude :

— Regarde ! regarde !

Emmeline montrait un ruisseau qui courait sur des cailloux entre des glaïeuls et des flambes. L’eau était si claire, si diaphane, qu’on ne se fût pas aperçu d’elle, si, en sautillant, elle n’avait tinté avec un bruit grêle d’harmonica.