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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/185

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MÉPHISTOPHÉLA

féline ; les soirs, elle aurait voulu enfoncer cette porte derrière laquelle se déshabillait la jeune fille ; et, rentrée dans sa chambre, couchée à son tour, elle avait, en des sueurs partout, chaudes, puis froides, puis plus chaudes, pareilles à une rosée de feu, des essoufflements qui lui gonflaient la poitrine et le cou ; elle cherchait, elle touchait, de ses mains, sur elle, les ressemblances du cher corps qu’elle n’avait pas étreint, sa rage expirait en un bâillement chaleureux qui lâchait l’oreiller mordu.

Mais son désir avait peur d’effrayer, et toujours se rétractait pour qu’Emmeline n’en fût pas alarmée. Elle ignorait si l’ingénue enfant discernait autre chose, en leur tendresse, que les charmes d’une amitié permise. Amoureuse, Sophie était-elle aimée, comme elle aimait ? Il se pouvait, — la chère petite s’étonnait si peu des ardentes paroles, acceptait les caresses avec tant de calme — qu’elle n’y trouvât rien que de très simple et de très naturel ; et si, un jour, elle avait à s’étonner d’une ardeur où même la plus parfaite innocence ne pourrait se méprendre, elle se fâcherait peut-être, et s’enfuirait ! Rester sans Emmeline, c’eût été le pire des désastres. Sophie n’osait pas tout exiger de crainte de perdre ce qu’elle avait. C’était si ado-