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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/186

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MÉPHISTOPHÉLA

rable, déjà, cette vie à deux, toutes seules. À regarder Emmeline, elle avait des éblouissements qui lui mettaient dans les yeux, dans le cœur, dans tout l’être, comme une chaleur lumineuse ; à l’écouter, il lui semblait entendre un ange du paradis (souvenir des puériles chimères) descendre pour lui parler à l’oreille ; elle serait morte d’Emmeline disparue.

Le dimanche survint.

Comme elles sortaient, selon leur coutume, de la maison au bord de l’eau, elles virent qu’il y avait du monde dans l’île. Des gens se promenaient dans l’allée qui traverse le bouquet d’arbres ; plus loin, dans la prairie, quelques femmes, l’air hardi, en robes folles, des fleurs sur de grands chapeaux, se poursuivaient avec des rires et des cris jetés en l’air.

Les deux amies rentrèrent très vite, effarouchées. Elles se souvinrent que le propriétaire de la maison les avait averties de ce tumulte une fois par semaine ; le garçon, qui, chaque matin, apportait le déjeuner, leur fournit des explications plus complètes. L’île, le dimanche, était une escale de canotiers. Ils prenaient du bon temps, ces jeunes hommes, avec leurs maîtresses. Mais le plus drôle, c’étaient des dames qui venaient de Paris, le samedi soir, en bande, pour faire la fête. Des