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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/238

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MÉPHISTOPHÉLA

— Vous allez au cercle ?

— Oui, dit M. de Maël-Parbaix.

— À la bonne heure. Jouer, c’est une ressource contre la pensée. Les vivants modernes n’ont qu’un but : échapper à la conscience sans recourir au suicide ; et, de toutes les passions, le jeu est peut-être la plus jalouse, la plus absorbante, celle qui annule le plus complètement les facultés qui ne lui sont pas indispensables ; elle supprime tout ce qui n’est pas elle, condense et simplifie l’humanité en un seul éréthisme. Mais, sachez-le, le jeu est la ressource suprême ! et, le jour où, les jetons sur le tapis, on songe, pendant que les cartes tombent une puis une devant vous, à autre chose qu’au sort prochain, c’est fini, on est perdu.

M. de Maël-Parbaix répondit en souriant :

— On sait vos idées. L’oubli d’avoir vécu, le non sentiment de vivre, c’est là ce que cherchent et doivent chercher les hommes d’aujourd’hui.

— Pas tous. Un casseur de pierres sur les grandes routes, un mineur dans l’étroite galerie, un paysan qui sème ou laboure, peuvent penser, sans être effroyablement malheureux, à ce qu’ils ont fait hier, à ce qu’ils font, à ce qu’ils feront. Mais l’homme des cités nouvelles, tel que l’ont parachevé enfin l’abus du désir ou du rêve