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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/241

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MÉPHISTOPHÉLA

se portent bien ; — en ce temps-là, on disait encore « viveurs », comme on dit : « Euménides », par antiphrase. Ah ! s’ils osaient manger des œufs à la coque ! ils n’osent pas, à cause des pauvres diables, qui, de l’autre côté de la vitre, sur le trottoir, envient la bécasse ou le perdreau. Et, devant le menu présenté avec une familiarité obséquieuse par le garçon qui dit : « Monsieur le baron, ou monsieur le comte », un bâillement avoue l’ennui de leur estomac. Spirituels ? certes. Intelligents ? pas du tout. M. de Maël-Parbaix était quelque peu supérieur à la plupart de ses pareils ; il était convaincu d’avoir, il avait des aspirations élevées. Non, jouer au baccara, parier aux courses, se débrailler chez des filles, ce n’est pas toute la vie : il se permettait d’avoir du goût, ne manquait pas de littérature. Il avait lu les premières pages au moins de tous les livres publiés depuis vingt ans. Lui-même, il écrivait, en revenant du Bois, avant déjeuner ; il mettait des choses sur le papier, qu’il avait pensées dans l’allée des Poteaux. C’était extraordinaire, le cheval, en le secouant, lui remuait les idées. Même, il avait fait jouer au Cercle une revue très drôle, avec des couplets chantés par une pensionnaire de la Comédie-Française. Oh ! il n’avait aucune prétention. Mais, enfin, il faut bien se distraire,