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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/244

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MÉPHISTOPHÉLA

— très élancé, de longues mains fines en des gants qui moulent les ongles, — sa jeunesse attardée à la trentième année, une langueur dans les yeux, dominatrice à force de prière, le sourire un peu crispé de ses lèvres presque pas dérougies, la courbe à peine fatale de son nez, — seule obéissance à la tradition des surannés Mesmers, — en un mot, la grâce d’être un homme du monde qui est le plus grand des savants, peut-être des sorciers, ajoutée à la curiosité d’un exotisme qu’on n’avait jamais tiré au clair, — car, s’il s’avouait Suisse ou Russe, ou Polonais, beaucoup de gens affirmaient qu’il était né en Serbie, — faisait de lui quelqu’un de charmant, qui pourrait être effrayant, s’il voulait. Il élégantisait la science et le mystère. Une fois que, chez la marquise de Portalègre, — oh ! après combien de supplications, car c’est une chose, enfin, presque blasphématrice, ces familiarités avec l’inconnu, — il avait obligé, d’une main sur le front, une jeune demoiselle, — Cagliostro aurait dit une colombe, — à confesser le nom qu’elle préméditait de donner à une petite chatte qu’on lui avait promise : « Ce qui me plaît en lui, dit Mme de Lurcy-Sévi, c’est qu’il fait des miracles comme on assure qu’il fait les autopsies, sans se déganter. »