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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/307

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MÉPHISTOPHÉLA

excès de défaite lui était intolérable. Elle se mit à marcher entre les meubles, pleine de furieux projets. Non, elle n’accoucherait pas ! elle n’accepterait pas cette ressemblance avec les femelles. Mourir ? soit ; enfanter ? non. Un instant sa fureur se calma de l’espérance que Magalo s’était trompée, avait parlé à l’étourdie. Hélas ! instruite à présent des lois sexuelles, elle ne pouvait pas nier l’évidence : elle était lourde d’une humanité prochaine ! Mais elle ne laisserait pas se développer jusqu’au fruit l’exécrable semence ; elle n’avouerait pas sa féminilité maternisée, n’entendrait pas le cri d’un nouveau-né. Ce n’était pas les affres de la parturition qu’elle redoutait ; elle eût, pour ne pas mettre au monde, consenti à des douleurs cent fois pires. Elle ne voulait pas être une mère, voilà tout, parce qu’elle n’était pas une femme ; c’est aux femelles éprises des mâles que la fécondité convient. Donc, un crime ? oui. Et rien de plus juste. Forfait pour forfait. Est-ce qu’elle n’avait pas été la victime de la plus abominable violence, la nuit où le baron Jean l’avait emportée et brisée sur le lit conjugal ? pour le mal, elle rendrait le mal. On l’avait torturée, elle tuerait. Et puis, criminelle ou non, n’importe, l’action qu’elle préméditait était nécessaire, inévitable. Avoir un