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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/350

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MÉPHISTOPHÉLA

sentait protégée ; elle avait confiance en qui la martyrisait ; quand l’excès d’une étrange joie, encore inéprouvée, l’affolait jusqu’à des affres d’agonie, elle se jetait, pour être secourue, dans les bras de celle qui la tuait, et sous les yeux tendrement dominateurs de Sophor, qui l’interrogeaient, l’obligeaient à l’aveu des mortelles extases, elle avait, renversant la tête, le sourire d’une heureuse mourante qui aurait voulu souffrir davantage, mourir tout à fait.

Les camarades de naguère venaient-elles encore à l’atelier, malgré la présence, presqu’à toute heure, de la baronne d’Hermelinge ? sans doute. Après les premiers étonnements, après quelques jalousies, elles avaient pris leur parti d’une intimité que Valentine Bertier, de l’Odéon, appelait un fait accompli ; et c’était, l’après-midi, pendant que Silvie peignait et que Sophor, au piano, jouait quelque sonate, des froufrous de toilettes entre les chevalets et les cadres ; des fumées de cigarettes montaient vers les chapeaux de rubans et de plumes dont on avait coiffé les bustes. Yvonne Lérys, délurée et sautelante, maigre comme un joli bâton, avec une tignasse noire sous la rouille de la teinture, qui jouait les ingénues à la Comédie-Française et les jouait aussi à la ville, mais avec une sincé-