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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/351

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MÉPHISTOPHÉLA

rité moins probable, ne manquait jamais, après la répétition, de venir prendre le madère chez Silvie, pour dire les potins du théâtre, pour voir où la mignonne en était de son nouveau tableau ; et avant même qu’elle fût entrée, on s’écriait : la voilà ! à cause d’une odeur excessive, santal exaspéré de gingembre, dont elle avait la manie de se parfumer toute ; de sorte que, lorsqu’elle ôtait son manteau, on avait envie d’ouvrir la fenêtre, et que Valentine Bertier, pas gênée, disait : « C’est drôle, Yvonne, on croirait qu’elle a des dessous de bras, partout. » Quand arrivait Mlle Lérys, il y avait beaucoup de visiteuses déjà : la grosse Constance Chaput, — qui était là depuis le matin, venue pour déjeuner, — ancienne fée de féerie, fameuse autrefois par la plénitude de ses maillots, belle fille affalée en quadragénaire obèse, l’air d’une somnambule de foire, ou de la marchande à la toilette qu’elle serait demain ; Rose Mousson, évadée de l’opérette et qui allait débuter au Palais-Royal, trop blanche et trop rose, mignonne et mignarde, pareille à une fleur maquillée ; Adeline Nordrecht, énorme et ferme, ressemblant aux statues de villes que l’on met sur les places, hollandaise, disait-elle, et racontant, avec un fort accent hanovrien, le succès considérable qu’elle avait eu à La Haye,