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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/359

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MÉPHISTOPHÉLA

ces charmes, les lèvres roses et odorantes ainsi que des fleurs de chair, les chevelures longues qui voilent les seins et les flancs comme si elles étaient jalouses, et les gorges battantes où se dressent des rougeurs saignantes déjà d’un pressentiment de morsure, et la touffeur empoivrée des nuques, et toute la blancheur du corps jusqu’à l’orteil de nacre jaune qui s’écarte et s’érige, elle les avait, sous le frôlement si léger et si maîtrisant de sa caresse, sous son baiser preneur de tout le souffle, de tout le sang, de toute la vie ; elle s’était fait, de la femme extasiée, un délicieux lit royal. Et, plus encore que la joie des possessions, la fierté l’en enchantait ! Violatrice impunie des lois naturelles ou des desseins de la divinité, elle avait, en des fièvres délirantes, la suprême arrogance d’un Lucifer qui, un instant, aurait vaincu Dieu. Mais, tout à coup, elle frémissait comme de la blessure d’un couteau, serrait contre son corps ses coudes, et, si pâle d’ordinaire, devenait blême avec une palpitation de ses lèvres moins rouges. Elle haussait les épaules, secouait ses cheveux, avait l’air de rejeter une obsession. Inutilement. Oh ! c’était insupportable, cela ! quoi donc, cela ? eh ! ce petit bruit dans les oreilles, qui sonnait comme un rire, qu’elle avait entendu toute petite, aux heures des crises, et