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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/381

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MÉPHISTOPHÉLA

jupons, ses bas, sa chemise aussi à sécher devant la cheminée, tandis que, tombé dans un fauteuil, et ses bottines vers les bûches, l’homme qui l’avait emmenée, l’examinait. Tout cela, en silence. Qu’avaient-ils à se dire ? Nue, elle se glissa entre les draps dont la froideur la saisit comme si elle s’était couchée dans de la neige. Mais, d’une forte volonté, elle empêcha ses dents de se heurter ; et bien que, malgré elle, son corps, secoué de fièvre, fit sauter la couverture, elle eut le courage de dire, en riant : « Allons, venez, mignon ! » Il s’était levé, il était tout près du lit, la considérait. Elle ne l’avait pas encore bien regardé ; elle vit que c’était quelqu’un de très jeune. Naturellement. Les gens d’âge sérieux ne prennent pas une fille dans la rue à pareille heure. Et, le visage un peu gras entre des favoris très clairs, il semblait timide et doux, bonasse même. Avec cela, un drôle d’air, pas l’air d’un homme qui a envie de coucher à deux, un air ennuyé d’être là. Ah ! mon Dieu ! s’il s’en allait sans payer la chambre ! Elle tira du lit ses bras maigres, qui ne sentaient plus le cuir de Russie et le tabac du Levant, qui avaient une odeur de bête mouillée, et voulut le prendre par le cou. Mais lui : « Non, pas maintenant, ce sera pour une autre fois, tu me donneras ton adresse, j’irai te