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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/393

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MÉPHISTOPHÉLA

vivant. Toi, c’est autre chose, tu as de l’esprit, de l’éducation, tu es une grande dame. Je veux te parler de toi, de toi seule. Ça peut être bon pour toi, ce que je dirai.

Elle s’était dressée à demi, elle avait mis les deux mains aux épaules, de Sophor, elle reprit :

— Tu es très savante. J’ai appris, en un instant, beaucoup de choses que tu ignores. Tu croyais que je dormais, n’est-ce pas ? non, je crois que j’ai été morte et que je revis, quelques minutes, pour te dire ce qu’on m’a enseigné pendant que je ne vivais plus. Je n’ai jamais été comme je suis. Je pense ce que je n’avais jamais pensé. Entends-moi, c’est la dernière fois que je parle. Sophor, il y a une chose véritable : ce n’est pas beau de ne pas être honnête. Quand on est jeune, quand on est contente, on se moque des gens qui vous parlent de sagesse, de vertu ; on leur rit au nez ! des bêtises ! On a tort. Ce sont les bourgeois qui ont raison. Ils vivent tranquilles, ils meurent tranquilles. Moi, j’ai été malheureuse, pendant longtemps ; c’est bien fait ; j’ai eu ce que je méritais. Mais, même avant mes ennuis, quand j’étais heureuse, je ne l’étais guère. Je m’aperçois maintenant que ce n’était pas amusant de rire. Et j’ai expié, je vais encore expier peut-être,