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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/404

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MÉPHISTOPHÉLA

leurs instincts la défense ou l’impossibilité de l’accomplissement. Naître, c’est acquérir le privilège du plein développement de soi-même. Le créateur a contracté une dette à l’égard de la créature. Puisque je suis, j’exige. L’appétence qui fut mise en moi, avec le souffle que je n’ai point désiré, oblige à la satisfaire celui qui me la donna. Nous sommes les créanciers des Providences. Même, céder à sa loi, c’est plus qu’un droit, c’est un devoir. Destinés, il nous faut vivre selon notre destination ; et ce qui est défendu, c’est, — si la nécessité du crime est en nous, — de n’être pas criminel. D’ailleurs, quel crime ? Ah ! oui, la stérilité des enlacements semble contradictoire avec la naturelle règle ; aimer pour enfanter, c’est ce que paraît ordonner l’immémoriale succession des races. L’homme engendre, la femme enfante ; et de petits êtres grandissent pour engendrer ou enfanter à leur tour. Mais voici que des femmes se révoltent contre la fatalité sexuelle, et, pour être exceptionnelle, leur vocation, innée, n’est pas moins légitime. Peut-être même, puisqu’elles sont peu fréquentes, sont-elles les préférées de la puissance créatrice ; les plus belles fleurs ne s’épanouissent pas à tous les buissons, et c’est par couples rares qu’errent les animaux magnifiques